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Esmeralda ? elle cède du premier coup. Francine de Theuriet ? elle se livre. Fantine ? elle se donne à tout le monde, et toutes les autres de même ! Il n’y en a pas une qui résiste ! — Ô dérision ! Il fallait que ce fût Zola qui vînt sauver la moralité !

Au fond, l’intrigue du Bonheur, c’est l’intrigue du Paradis des Enfants. Jusqu’au titre qui les rapproche. Francine, c’est Denise, et l’autre monsieur dont j’oublie le nom, c’est Mouret. Mêmes caractères, mêmes situations. Mais il y a deux différences : chez Theuriet, l’intrigue fait tout le roman ; on n’en sort pas ; tombera, tombera pas ; cédera, cédera pas ; et puis ça recommence. Tandis que chez Zola, au-dessus de l’intrigue, avant Denise et Mouret, il y a le véritable sujet qui est l’accroissement du Bonheur des Dames. C’est ce colosse qui est le véritable héros ! c’est à lui qu’on s’intéresse, c’est à lui qu’on pense tout le temps, c’est autour de lui que tout tourne, c’est le magasin qui vit, le magasin qui croît, le magasin qui mange le quartier, qui avale les clientes, c’est toujours le magasin.

Et puis il y a encore une autre différence entre les deux romans, c’est que Francine a cédé, tandis que Denise résiste jusqu’au bout ; et ça fait une fière différence, pour parler comme George Sand.

C’est une épopée que ce Bonheur des Dames, et à coup sûr c’est un chef-d’œuvre.