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en un instant plus grand que tous les hommes. Et il s’agit bien alors des galanteries de Sévère !

« L’acte de Polyeucte lui-même est admirablement trouvé. Vous saurez plus tard, jeunes gens, le plaisir qu’on a à pousser ses douleurs à l’extrême, à se retourner le poignard dans la plaie. Eh bien, c’est ce que fait Polyeucte, avec cette différence que c’est un martyr et que c’est encore bien plus naturel de sa part.

« Pour les sentiments de Pauline dans cette scène, qui est le pivot de la tragédie, il y a une scène semblable dans l’Aventurière d’Augier. L’Aventurière se laisse entraîner contre un jeune homme à une injure grossière s’adressant à sa mère. Le jeune homme lève les deux poings, et la femme se jette à ses pieds épouvantée, et étonnée comme est Pauline de l’acte de Polyeucte. Quelque temps après, elle raconte cette scène à son frère et son frère lui dit : « Il t’a battue ? Tu l’aimes ! » Eh bien, oui, les femmes aiment ces manifestations de la force. (Hilarité et applaudissements.) Je ne dis pas que le meilleur moyen de se faire aimer d’une femme soit de la battre. Non, mais elles aiment souvent qu’un homme montre sa force.

« Et du coup, cela convertit Pauline. La religion d’un homme aussi supérieur ne peut être que la seule bonne. Je vois, je sais, etc. Remarquez qu’elle ne voit rien du tout, qu’elle ne sait rien,