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qu’admirer. Mais j’aspire à être quelqu’un, de quelque manière que ce soit, littérateur, musicien ou artiste.

Tout cela, ce serait bien beau, mon Dieu ! et pourquoi faut-il que dans tous mes projets, dans tous les rêves d’avenir de mon imagination de dix-sept ans, je voie se dresser devant moi, hideuse, menaçante, la terrible phtisie pulmonaire ? Pourquoi faut-il que, au moment où je suis si heureux de me dire « À vingt-cinq ans je serai peut-être célèbre[1] », une voix que je ne veux pas entendre, que je repousse épouvanté, me crie à l’oreille incessamment : « À vingt-cinq ans, tu seras pourri ? »

Oh ! mon Dieu, mon Dieu, plus que sept ans à vivre, à jouir des soirs d’été, des matinées de printemps, et de la nuit majestueuse étoilée, et de la mer énorme bouleversée. Plus que sept ans à voir mon frère Georges ; plus que sept ans à aimer tous les miens ; plus que sept ans pour connaître l’amour ; plus que sept ans à aimer les beaux vers et la belle nature et les belles filles… et après : le sommeil éternel, infini, terrifiant ! Après : l’adieu à tous, l’adieu à tout ce qu’on aime, l’adieu au bonheur, à la joie, à la vie, et la mort ! La mort éternelle. La mort,

  1. Quatre ans plus tard, j’étais connu des poètes et je commençais Aphrodite.