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mirer. — Comment ? — Oh ! ne parlons pas politique, nous nous battrons. — Alors, tu es socialiste ? continue Jacques sans m’écouter… Et nous avons parlé ainsi, deux heures durant. Je répétais à Jacques : « La révolution sociale sera une chose terrible, mais rien n’est plus juste que la doctrine qu’elle fera triompher. Pour moi, personnellement, je suis républicain modéré et ferryste, mais je ne puis m’empêcher de reconnaître que l’inégalité des hommes est une chose révoltante, qu’on peut supprimer en très grande partie. La révolution sociale sera le plus beau mouvement qui ait jamais enflammé le cœur des hommes ! Je compte bien, quand je serai étudiant, faire de la doctrine socialiste une propagande incessante, croyant ainsi agir noblement pour le bien du peuple et des malheureux. »

Jacques écumait.

Je lui ai signé un papier ainsi conçu :

« En 1900, la révolution sociale sera imminente. Vingt ans après, ce sera un fait accompli. »

Aujourd’hui, visité Rouen avec Jacques et Émile Chardon.

Rouen est une ville de province avec des allures parisiennes : la rue de la Paix peuplée par des Normands. Trois très belles voies : la rue Jeanne-d’Arc, la rue Thiers et la rue de la République ; de beaux magasins, tramways, lumière électrique, deux théâtres, trois gares, un grand port, de beaux