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amusant que Milher en juif et Calvin en voyou. Une jolie fille aussi, Mlle Clem, jouait Georgette. Les autres femmes, pitoyables comme jeu.

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Je suis triste quand je pense que j’ai dix-sept ans et que je ne sais pas ce que c’est que l’amour ; je deviens morne quand je pense que je ne le saurai probablement jamais[1], puisque notre société a si bien su s’organiser que, l’amour étant la seule chose de bien qu’elle eût conservée, elle a jugé bon de le rendre impossible ou peu s’en faut. Et je deviens tout à fait sombre quand je pense que ma vie va se passer ainsi d’après un programme si peu attrayant, que je donnerai à une fille perdue ma virginité dans un ou deux ans, que je continuerai jusqu’à mon mariage ce sale métier[2], et que j’épouserai une femme laide probablement (il y en a si peu de jolies), une femme que je ne connaîtrai pas, que je n’aimerai pas[3] et qui me trompera[4].

  1. Si j’ai écrit cela, c’est qu’on ne m’avait jamais dit le contraire.
  2. Ainsi, à dix-sept ans, je ne savais pas qu’à sept ans j’avais tout appris ? avec une jeune personne qui en avait huit ? et qui avait instinctivement tous les vices, alors que par instinct aussi la plupart des femmes n’en ont aucun ? 1918.
  3. Oui, mais ce n’est pas une raison pour que je me sacrifie aux laides.
  4. Mais non ! Quelle idée ?