Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et qui ne mourait dans mes bras que pour renaître toujours plus beau. Il m’a répondu : « Alors, c’est un dieu. » Il avait raison, mon Aimy.

Elle lui prit la tête entre ses mains et le baisa longtemps pour l’empêcher de parler.

« Ensuite je suis rentrée, et dans la nuit Marozie a eu cinq petits chats, la malheureuse ! Elle était venue dans ma chambre ; elle ne voulait plus me quitter, parce qu’elle sentait bien que c’était proche. J’ai été obligée de l’accoucher, elle criait comme une femme, c’était la première fois. Et si tu l’avais vue, elle était si touchante. On aurait dit qu’elle savait d’avance tout ce qu’il fallait faire et les soins à donner. Dès que le premier né est tombé sur la ouate… Mais tu ne m’écoutes plus. À quoi penses-tu ? »

Avec son sourire indulgent et doux, elle l’examina en maîtresse clairvoyante pour qui le visage de l’amant ne peut plus rien dissimuler.

« Aimy, tu m’as été fidèle la nuit dernière, mais tu vas me tromper ce soir.

— Tu en es sûre ?

— Oh ! oui.

— Je n’en sais pas tant.

Alors, c’est qu’elle t’a dit non… Mais tu espères bien qu’elle a pensé oui. »

Il ne répondait pas.

Aracœli s’assit toute droite sur les talons comme une esclave égyptienne ; et du ton le plus gentil,