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départ que les plus aventureux n’eussent pas pris à cent contre un. Quelle heure était-il ? Midi vingt. Il dit au chauffeur :

« Gare d’Orsay ! »

Et prenant place dans le coin gauche de la voiture, il laissa la droite à Psyché invisible.

Quand on livre bataille, il faut avoir la nature pour soi et prendre pour allié le temps qu’il fait : c’est tout l’art de la tactique. Telle armée a été vaincue par la poussière et telle autre par la neige. Aimery avait le ciel pour lui ; non pas le ciel religieux qui exterminait les Amalécites, mais l’azur qui fait tant pour jeter les amoureuses dans les bras des jeunes premiers. Par une matinée comme celle-là, il était convaincu que la résistance des femmes ne pouvait durer et que si l’on avait le bonheur de se trouver sur leur passage, le temps de les assiéger, l’ardeur de les convaincre, elles avaient cédé d’avance. Il avait dit à Psyché : « Vous déciderez selon le conseil du printemps », et en lui-même il ajoutait : « J’ai un allié si redoutable que vous ne pouvez rien contre lui. »

Avec une extraordinaire confiance il entra donc à la gare et loua un compartiment de wagon-lit dans une voiture de la Compagnie. De là il se rendit chez un fleuriste où il commanda, pour le soir, des lilas blancs, des roses de Nice, des anthuriums et des hydrogéas. Puis il se fit conduire chez lui, car il fallait maintenant écrire à Psyché le plus tôt