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passionnelle, toute éducation des sens manquaient également à son histoire. Ses troubles amoureux ou tendres se transposaient aussitôt en musiques intellectuelles, et elle ne les reconnaissait plus à travers leurs métamorphoses dans le murmure de ses rêveries.

Toujours en pleurs, elle s’était assise de côté sur le banc circulaire au delà duquel s’étendait l’horizon. Cet instant de défaillance avait brisé son attitude. Une femme qui se laisse aller à montrer ses larmes renonce à toutes les coquetteries en perdant celle de ses yeux. Psyché ne se tenait plus du tout. Le col penchant, les épaules tombées, la taille molle, les mains à l’abandon, elle était là comme une pensionnaire qui a fini sa leçon de maintien. Sa robe n’était plus la même. Son chapeau semblait accablé. Son ombrelle glissante laissait pendre six longues coques mélancoliques.

« Psyché »… dit Aimery.

Et s’entendant nommer par son prénom, elle n’eut pas un mouvement de surprise.

Il chercha son regard.

« Psyché, ce n’est pas moi qui vous fais pleurer.

— Oh ! ce n’est pas vous.

— Ni personne ! C’est l’Amour lui-même que vous méconnaissez et qui est en vous.

— L’amour de qui, bonté divine ?

— De qui ? Mais vous dites des choses insensées ! Croyez-vous donc que l’Amour s’adresse à