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s’altérait, vous seul vous ne m’aviez jamais parlé d’amour… Je vous l’ai déjà dit sur un ton bien étranger à mes sentiments, mais j’ai des nerfs qui troublent toutes mes paroles ce matin… Vous seul vous m’aviez épargnée. Que je vous en étais reconnaissante ! Et ce n’est rien encore ! Le hasard me fait découvrir aujourd’hui un secret qui nous rapproche ; puis une même émotion nous transporte ensemble… Je vous souris… je vous tends la main… je crois enfin avoir trouvé un ami à qui je pourrai ouvrir mon cœur sans ouvrir pour cela mon corset… — Vous voyez que je vous dis tout. — Eh bien, vous aussi… vous aussi…

Les lèvres palpitèrent. Un frisson la parcourut de la tête aux genoux et avec un geste de faiblesse elle tourna la tête pour pleurer.


Aimery osait enfin comprendre. Il ne s’agissait pas de convertir Psyché aux sentiments qu’elle inspirait, mais à ceux qu’elle éprouvait avec l’intensité la plus vive, sans l’avouer et même sans le savoir.

Cette femme de vingt-quatre ans était absolument vierge de cœur. Son intelligence, sa finesse d’esprit, sa délicatesse d’âme et de pensée, loin de l’éclairer sur ses propres affections, l’avait abusée au contraire ; et en matière d’amour elle raisonnait comme une enfant, capable d’ignorer elle-même qu’elle est folle de son cousin. Toute expérience