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Il était d’un bleu si profond que le paysage lui-même prenait une coloration italienne. Le ciel solaire ne peut se concevoir ni par le rêve, ni par le souvenir ; il est la splendeur, il donne aux yeux ouverts ce dont les yeux fermés ne savent retenir que l’éblouissement et le déclin. Aimery le regardait en marchant. Ce bleu de printemps était uni dans sa mémoire à d’inoubliables joies. Toutes, une à une, revenaient du fond du passé, renaissaient aussi vives, aussi fraîches que jadis, rouvraient leurs ailes, se mêlaient éclatantes à la grande clarté céleste, qui élargissait jusqu’à l’infini la coupe altérée du bonheur futur.

Lorsqu’ils furent arrivés au faîte, le ciel tout entier les entoura, et comme un voyageur qui découvre la mer, Aimery s’arrêta et dressa la taille dans l’ivresse de l’azur reconquis.

Psyché poussa un soupir.

« Le chemin s’arrête, dit-elle avec mélancolie. Ah ! mon espoir allait au delà ! ils me font mal ces instants de la vie où je me sens exaltée vers un but qui s’échappe et qui se métamorphose… Où est-il, le Printemps ? Où est-il, lui qui m’a tant émue quand je l’ai senti passer à travers les arbres et frôler mes cheveux ?… On frissonne, on part, on s’enflamme, on croit que la jouissance sera belle parce que le désir a été grand et le désir se meurt comme la mer sur le sable, l’eau vainement soulevée par le vent qui s’enfuit toujours plus loin…