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partir aussi. Paris, dès qu’Aimery n’y est plus, lui est insupportable. Une solitude odieuse s’est abattue sur elle, une solitude qu’aucune amie, qu’aucun ami ne lui peut adoucir. Une solitude qu’elle imagine ne pouvoir endurer qu’en compagnie de ses souvenirs heureux, qu’en compagnie des chers fantômes de ses nuits et de ses jours irrévocablement perdus, morts… Une solitude la force de s’enfuir un soir vers cette gare d’Orsay, vers ce train de 9 h. 32, vers cette Bretagne et ce village mystérieux qui avaient été jadis les étapes de son voyage passionné et l’introduction à sa vie radieuse, — si brève.


C’est décembre. La neige couvre la terre et les nuages couvrent le ciel. La nuit, opaque, s’est attardée. Et le train qui emporte Psyché vient d’arriver à Sainte-Anne-des-Bois, et c’est à peine si l’aube point. Autour de la station campagnarde, les peupliers sans feuilles haussent tristement leurs squelettes ténus. Psyché descend, et frissonne dans la bise d’hiver. Il n’y a plus de printemps. Il n’y a plus de soleil. Il n’y a plus d’auto amenée tout exprès, pour accueillir la voyageuse. Psyché est seule, seule, seule. Il lui faut demander son chemin à l’employé, à l’homme d’équipe.

— Madame… c’est très loin, votre château !

Très loin ?… Qu’importe…

Elle marche dans le matin aigre. Et elle ne