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mie, éveillée, rêvante à la fois, elle se sentait anéantie, mais prise par un tel calme de l’esprit et des sens que jamais elle n’avait rien connu d’aussi doux. Plus de désirs, plus de pensée : une sérénité délicieuse répandue en elle, vaste comme le ciel dans l’eau immobile. Ah ! l’inexprimable Paix ! « Je suis heureuse… je suis heureuse… » Elle n’osait plus bouger ni rouvrir les yeux de peur de faire fuir le bonheur attardé le long de sa rêverie.

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Et pourtant elle se leva… Aimery ? Où était-il ? Tout ce qu’elle avait éprouvé, lui aussi avait dû le ressentir. Elle et lui n’étaient qu’une chair et qu’un frisson. Elle ne voulait pas être heureuse sans lui… Aimery ?… Elle le chercha pour ne plus le quitter.

Une lampe à la main elle entra doucement dans une petite pièce écartée où elle avait coutume d’écrire et sur la table elle vit une page dont l’encre était encore fraîche ; c’étaient des stances, des vers… Psyché… Le premier mot était son nom.

Elle lut en se penchant :


Psyché, ma sœur, écoute immobile, et frissonne…
Le bonheur vient, nous touche et nous parle à genoux.
Pressons nos mains. Sois grave Écoute encor… Personne
N’est plus heureux ce soir, n’est plus divin que nous.