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de manucure s’offrait à son choix : par une vocation tardive, elle parvint à y exceller.

La jeune Hindoue était déjà sur sa couche et Mme Brémondel n’osait pas approcher. Mme Brémondel n’aimait pas les singes. Celui de la maison s’était embusqué sur le chemin qu’elle devait suivre. Aracœli fut obligée d’intervenir.

« Tarquin, viens ici, tu auras du sucre. »

Entre cent qualités qui le distinguaient du commun des singes, Tarquin avait celle d’entendre le français, ou du moins ses mots essentiels, comme : sucre, bâton, orange, noisette, balançoire et va te coucher.

Il sauta du lit. La manucure entra en s’inclinant. Le singe, bien élevé, rendit le salut.

« Vous avez vu qu’il m’a saluée ? dit-elle vivement.

— Oui, madame Brémondel, mais ce n’est pas par respect. C’est même probablement pour se moquer de vous.

— Oh ! je n’attends pas de respect d’un singe ; cependant le vôtre a des moqueries qu’on peut prendre pour des politesses. Quel amour que votre Tarquin ! et si spirituel ! si futé ! Mais il a un singulier nom. Pourquoi l’appelez-vous ainsi ?

— C’est toute une histoire ! Vous ne connaissez pas la vie de Tarquin ? Tarquin a un crime sur la conscience.

— Un crime ? s’écria la manucure épouvantée.