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Psyché s’accouda sur la pierre d’appui.

L’horizon s’était élargi jusqu’à la mer…

On ne distinguait pas le ciel de l’océan. La même teinte écarlate peignait les airs et les eaux. Une immense vague enflammée se répandait sur toute la terre, et d’instant en instant perdait de sa clarté. Le soleil atteignait l’Atlantique. Il s’y coucha, de plus en plus sombre, et sa dernière goutte de sang lumineux s’évanouit comme une étoile.

Puis il ne resta plus de sa gloire qu’un petit nuage couleur de rose suspendu dans le ciel bleuissant.

Comme avec toute sa rêverie, Psyché contemplait cette nuée survivante qui gardait pour elle seule le souvenir du soleil quand la terre plongeait déjà dans la nuit, quatre vers admirables chantèrent dans sa mémoire. Et les premiers mots la firent tressaillir comme un avertissement qui fût monté en elle du fond de sa conscience :


   Pars. Adieu. Je t’aimais.
Vois : le soleil rougit la mer occidentale,
Et ce nuage en fleur est le dernier pétale
De la rose du jour qui s’effeuille à jamais[1].


Aimery était debout auprès d’elle. Il n’avait pas quitté sa main… « Pars. Adieu. Je t’aimais »… Elle leva les yeux vers lui, ouvrit la bouche et ré--

  1. J.-M. de Heredia.