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Un silence les sépara. Ils se regardèrent.

« Vous êtes heureux ! dit Psyché. Est-il un autre bonheur que d’espérer ?

— Oui.

— Ainsi, fit-elle lentement, vous êtes deux fois heureux ? Quel talisman portez-vous pour entrer ainsi dans le surnaturel ? »

Un regard pénétrant lui répondit.

L’automobile tourna brusquement à gauche, quitta le macadam pour le terreau mouvant d’une allée forestière et, en bourdonnant, ralentit sa course. L’allée montait à pente roide.

Des arbres gigantesques la plantaient de leurs colonnes inébranlables. Sur le sol couraient des faisans ; plus haut, des écureuils grimpaient ; plus haut encore, des ailes obscures volaient silencieusement sous l’ogive de la voûte ; les dernières branches se touchaient à la cime, si près du ciel que les oiseaux eux-mêmes semblaient ne pas pouvoir monter jusqu’à elles, et l’immense nef se prolongeait à l’infini jusqu’à un brouillard bleuâtre qui était déjà la naissance des nuées.

« C’est beau, dit Psyché, mais quel paysage effrayant ! Si j’étais seule ici, j’y mourrais d’épouvante avant d’y mourir de faim. Nous n’avons pas rencontré une âme depuis le départ. Est-ce donc la forêt de l’Enchanteur Merlin, d’où les hommes sont chassés par des sortilèges ?

— Presque ; mais rassurez-vous, nous montons