Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 8.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ployés de la petite station, et le train s’attardait, et Psyché devenait impatiente.

Il lui semblait que tous les yeux se dirigeaient vers elle, de tous les compartiments, et qu’on la reconnaissait, par son long manteau gris qu’on avait vu à Cannes, par son chapeau qu’elle avait porté deux fois, et surtout par cette broche de cheveux dessinée pour elle seule et connue de tout Paris. Ce train, c’était encore Paris, lancé à sa poursuite, arrêté derrière elle. Psyché ramena son voile sur sa nuque, et puis elle resta immobile, de peur que ses gestes eux-mêmes n’eussent quelque chose de personnel.

Un sifflet. Le train pesant grinça et disparut. Quand elle retourna la tête, elle était enfin délivrée. Aimery parlementait au loin, du côté des bagages. Vers l’ouest elle ne vit plus rien qu’une petite vapeur enlevée par le vent. La courbe des rails bleus et mouillés de rosée fuyait seule sur le sable jaune.

« Ah ! » fit-elle avec un soupir du plus profond de sa poitrine. Et ce fut en elle comme si le nuage noir de sa conscience s’en était allé, lui aussi. Le péché qu’elle n’avait pas commis, qu’elle eût cent fois repoussé dans le décor habituel de ses résistances et de ses chastetés, le péché lui apparut avec un autre visage. Sans doute ce n’était plus le même. Celui de Paris restait coupable et honteux, et indigne d’elle. Il en était un autre à Sainte-