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l’estimât. Les autres passagers se contentaient de savoir que j’étais citoyen d’Athènes, et cela suffisait bien pour qu’ils se moquassent, puisque Athènes était malheureuse.

Un matin, le soleil avait déjà passé les cimes des hauteurs orientales, lorsque nous abordâmes à Khalkis au milieu d’une foule immense. Je m’y perdis avec plaisir.

En interrogeant quelqu’un, j’appris qu’il y avait hors des portes un extraordinaire marché. Philippe, à la chute d’Olynthe, après avoir rasé la ville, avait emmené en esclavage la population tout entière : environ quatre-vingt mille têtes. La vente avait lieu depuis deux jours. On comptait qu’elle durerait trois mois.

Aussi la ville regorgeait-elle d’étrangers, d’acheteurs et de curieux. Mon interlocuteur, qui était marchand de vins, ne se plaignait pas de cette cohue ; mais il me confia que son voisin, lequel vendait à l’ordinaire des esclaves cotés fort cher, s’était ruiné du jour au lendemain, tant la baisse avait été prompte. J’entends encore le tavernier me dire avec de grands gestes :

— Enfin, un Thrace de vingt ans, on sait ce que cela vaut, par les dieux ! Quand on en achetait douze pour cultiver une plaine, on comptait bien douze sacs d’or frappés à la chouette ! Eh bien ! va, va marquer les prix ; le cours est tombé à cinquante drachmes. Juge par là des autres ! Jamais cela ne