Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais la petite, peu à peu rassurée, insistait :

— Non ! non ! c’est tout ce que je veux savoir.

— Si je te réponds, tu regretteras de m’avoir interrogée.

Cile hésita, pâlit de nouveau, et reprit d’une voix très douce :

— Ma Sainte, répondez-moi, vous me l’avez promis.


Alors l’apparition éleva vers le ciel sa main qui tenait un grand cœur de pourpre, et les gouttes de sang se mirent à tomber, d’abord une à une, comme des larmes, puis par ruisseaux, comme des sanglots.

— Je pourrais, dit-elle sourdement, ouvrir le livre de ta vie, savoir comment… de quel côté… sous quelle forme… et les circonstances… À quoi bon ? Toutes les vies humaines sont nivelées sous le même rouleau et, quelle que soit ta vie, elle sera la Vie… Écoute-moi bien, ma pauvre enfant. Tu vis d’illusion et d’espoirs : ton illusion s’évanouira ; tous tes espoirs seront fauchés ; jamais ! jamais tu n’obtiendras ni de conserver ce que tu chéris, ni de posséder ce que tu désires, ni de réaliser ce que tu rêves. Tu poursuivras le bonheur d’une poursuite insensée ; tu le verras partout à portée de la main, et toujours ta main retombera sur le vide, tes genoux sur la terre, et ton front sur tes genoux avec tant de sanglots que tu te