Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grains de son chapelet presque sans y penser, il lui sembla la dire, cette nuit-là, pour la première fois.

Comme à l’archange Saint-Gabriel, il lui était donné de parler à la Vierge elle-même :

« Je vous salue, Marie ! »

Car la Reine des cieux et des mondes l’écoutait et la regardait.

Marie-Anne se releva, monta sur la pierre, tout debout dans la haie étoilée, et prit les trois roses en ses bras comme elle eût embrassé la vie éternelle.

Alors elle crut entendre que le ciel l’appelait, elle vit de ses yeux agrandis Notre-Dame apparaître au-dessus des nuages…

« Sainte-Vierge, c’est vous ? » dit-elle encore.

Et pour aller au-devant d’un nouveau miracle, Marie-Anne, tendant ses roses, marcha pieds nus sur les rayons nocturnes, simplement et droit devant elle.

Mais les rayons de la lune ne la portèrent point.

L’instant d’après, il ne restait plus rien de l’enfant précipitée, rien qu’une large flaque de sang répandue sur le sol lointain, sous une petite chemise blanche que le vent allongeait encore comme une aile agonisante.