Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 7.djvu/160

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ans à ma mère avait fait beaucoup de bien et qui venait d’un patronage où, plus d’une fois, j’étais entrée. Elle portait une jupe noire trop courte, une camisole grise et pas de corset (d’ailleurs elle en avait à peine besoin). La petite natte de ses cheveux était relevée par une épingle au sommet de sa tête blonde.

Son compagnon, qui la tenait par les deux épaules, lui dit avec hâte :

— Et ici ? veux-tu ?

Elle répondit pâlement :

— Laissez-moi… laissez-moi…

Au ton de sa voix, on sentait qu’elle avait répété cette phrase deux cents fois depuis le restaurant.

L’homme reprit :

— Voyons, ma gosse, tu m’as dit qu’oui ; c’est oui. T’as pas deux idées comme ça. Ce qui est dit est dit, pas vrai ?… On est bien ici, pourquoi qu’tu veux pas ?

— Non… pas là… pas là…

— Alors, où qu’tu veux ? T’as pas le rond, moi non plus ; je peux pas te payer une chambre. Si tu viens jusqu’aux fortifs, marche, on en a pour une heure.

Elle fit signe que non. L’homme devint nerveux.

— Titine, cause-moi en face. Me gobes-tu, oui ou non ?… Parce que si c’est non, tu sais, j’en ai d’autres…

La pauvre petite éclata en sanglots. Elle pleurait