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Ce préambule exposé pour l’instruction du lecteur, je me bornerai à transcrire les dernières pages du journal que j’ai sous les yeux sans insister autrement sur ce qu’elles présentent d’extraordinaire.


I

28 mars 1839.

« Mina est venue me voir ce matin, à cinq heures et demie. D’habitude, je ne la vois jamais avant le lever du soleil, bien qu’elle et moi nous travaillions de bonne heure… Je suis allée lui ouvrir, une chandelle en main et mes cheveux sur le dos, dans une tenue où je n’aime pas à me montrer ; mais je me coiffais et je ne l’attendais pas.

« Je lui ai dit : « Qu’y a-t-il ? »

« Et elle m’a répondu : « Ah ! Esther ! »

« Bien inquiète, je l’ai fait asseoir, et je lui ai demandé si elle n’était pas malade, ou si son grand-père n’était pas plus mal, ou si peut-être la petite sœur… mais il ne s’agissait pas d’elle ; il s’agissait de moi, hélas !

« Elle tenait deux volumes à la main et elle me les tendit en disant :

« — Lis toi-même. »

« Je lus : H. De Balzac, la Femme supérieure, et je repris :

« — Qu’y a-t-il là dedans ?

« — Ce qu’il y a, répondit-elle. Il y a que ces deux volumes contiennent trois romans, et que