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tout ce qui me passe par la tête, car ce n’est pas elle qui me retiendrait malgré les phrases qu’elle vous a dites.

— Alors, jeune personne, le jour où un novio sera candidat, c’est à vous qu’il devra parler ?

— C’est à moi. En connaissez-vous ?

— Non.


J’étais devant elle, dans un fauteuil de bois dont le bras gauche était cassé. Je me vois encore, le dos à la fenêtre, près d’un rayon de soleil qui zébrait le plancher…

Soudain elle s’assit sur mes genoux, mit ses deux mains à mes épaules et me dit :

« C’est vrai ? »

Je ne répondis plus.


Instinctivement, j’avais refermé mes bras sur elle et d’une main j’attirais à moi sa chère tête devenue sérieuse ; mais elle devança mon geste et posa vivement elle-même sa bouche brûlante sur la mienne en me regardant profondément.

Primesautière, incompréhensible : telle je l’ai toujours connue. La brusquerie de sa tendresse m’affola comme un breuvage. Je la serrai de plus près encore. Sa taille cédait à mon bras. Je sentais peser sur moi la chaleur et la forme ronde de ses jambes à travers la jupe.

Elle se leva.