Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 5.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans ce troupeau hétéroclite, mais toutes étaient intéressantes, et je m’arrêtai plus d’une fois, devant un admirable corps féminin, comme vraiment il n’y en a pas ailleurs qu’en Espagne, un torse chaud, plein de chair, velouté comme un fruit et très suffisamment vêtu par la peau brillante d’une couleur uniforme et foncée, où se détachent avec vigueur l’astrakan bouclé des sous-bras, et les couronnes noires des seins.


J’en vis quinze qui étaient belles. C’est beaucoup, sur cinq mille femmes.


Presque assourdi, et un peu las, j’allais quitter la troisième salle, quand au milieu des cris et des éclats de paroles, j’entendis près de moi une petite voix futée qui me disait :

« Caballero, si vous me donnez une perra chica[1] je vous chanterai une petite chanson. »


Je reconnus Concha avec une stupéfaction parfaite. Elle avait — je la vois encore — une longue chemise un peu usée mais qui tenait bien à ses épaules et ne la décolletait qu’à peine. Elle me regardait en redressant avec la main un piquet de fleurs de grenadier dans le premier maillon de sa natte noire.

— Comment es-tu venue ici ?

  1. Un sou.