Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 5.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

presque étendue, les yeux fermés ; mais les chansons qu’elle chantait là, j’imagine qu’elle ne les avait pas apprises chez les sœurs. Elle choisissait bien, parmi ces coplas de quatre vers où le peuple met toute sa passion. Je l’entends encore chanter avec une caresse dans la voix :


   Dime, niña, si me quieres ;
   Por Dios, descubre tu pecho…


ou :


   Tes matelas sont des jasmins,
   Tes draps des roses blanches,
   Des lis tes oreillers,
   Et toi, une rose qui te couches.


Je ne vous dis que les moins vives.


Mais soudain, comme si elle avait senti le ridicule d’adresser de pareilles hyperboles à cette sauvagesse, elle changea de ton son répertoire et n’accompagna plus la danse que par des chansons ironiques comme celle-ci, dont je me souviens :


   Petite aux vingt novios
   (Et avec moi vingt et un),
   Si tous sont comme je suis
   Tu resteras toute seule.


La gitane ne sut d’abord si elle devait rire ou se fâcher. Les rieurs étaient pour l’adversaire et il était visible que cette fille d’Égypte ne comptait