Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 5.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la fonda ; mais d’huile propre. On dirait qu’on entre dans la chaufferie d’un cuirassé bien tenu.

Quant à nos chambres, elles sont inénarrables. Don Quichotte lui-même n’en a pas eu de semblables. Deux puits aux portes cassées, chevelus de toiles d’araignées, tapissés de poussière, et éclairés de tout en haut par une lucarne profonde dans un mur épais. Tout ce qu’il y a de plus classique en fait d’auberge espagnole. Et une même phrase jaillit de nos lèvres sœurs : « Comment ! ça existe donc ! »

Avec terreur nous y déposons nos sacs de voyage.

Puis une interminable visite à « La Academia de Administracion militar » où l’on nous explique, outils en main, quelle différence il y a entre le Mauser espagnol et le Mauser allemand. Comme nous ne sommes pas des officiers en mission, nous nous réjouissons peu de cet espionnage involontaire et de vastes bâillements dilatent nos maxillaires mal rasés.

Vers 5 heures, le café. Nous assistons à une partie de cartes espagnoles.

Mais tout à coup :

« El trèn ! el trèn !! »

C’est le train qui s’en va, ou du moins qui va partir !

Course folle dans la neige, jusqu’à la fonda. Nous reprenons nos sacs. Une voiture, un omnibus, une diligence à mules plutôt, nous emmène avec