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Mardi 8.


À trois heures du matin, je me réveille sur un cauchemar de vérité : la portière s’est ouverte et un flot de neige entre dans le wagon. C’est fort beau. Mais je suis glacé. Mon Dieu ! quelle belle pleurésie m’attend ! Je referme. La tempête de neige continue et en dix minutes les vitres sont feutrées.

Trois nouveaux voyageurs sont montés dans le wagon, sans doute à Mirande, venant de Bilbao. Ils dorment très couchés l’un sur l’autre, comme des étudiants anglais, et même la neige sur eux ne les a pas réveillés. H… assis dans un coin sommeille la tête haute et les jambes croisées. Je me rendors vaguement.

Réveil au matin, mais dans la nuit encore à Venta de Banos. Il n’y a plus de neige. C’est une grande plaine. Seul, le train est encore si complètement blanc qu’on a mille peines à nettoyer les vitres. H… s’y emploie avec patience. Les trois nouveaux venus nous offrent de partager leur déjeuner. Refus d’abord, puis acceptation sans raison. Il s’agit d’un pain frais et d’une bouteille de vin noir qu’H… compare avec regret aux vins de l’Ardèche.

À 9 h. 1/2 du matin : Avila.

Et ici commence, ou plutôt reprend la petite fête.

En descendant du train, j’entends parler français et je demande vivement : « Combien y a-t-il