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quand on parle d’elle. Chacune de ses actions est toujours, à coup sûr, stupéfiante et scélérate. Tandis qu’elle approchait de moi, Je me demandais anxieusement quelle convoitise la poussait, du désir de contempler une fois encore son triomphe, ou du sentiment qu’elle pourrait peut-être, par une manœuvre aventureuse, achever à son profit ma ruine matérielle. L’une et l’autre explications étaient également vraisemblables.

Elle se pencha de côté pour passer sous une branche, ferma son ombrelle et son éventail, puis s’assit en face de moi, la main droite posée sur ma table.


Je me souviens qu’il y avait derrière elle un massif et qu’une bêche luisante et mince y était plantée dans la terre. Pendant le long silence qui suivit, une tentation m’obséda de prendre cette bêche à la main, de jeter la femme sur le gazon, et de la trancher en deux, là, comme un ver rouge…

« J’étais venue, me dit-elle enfin, savoir comment tu étais mort. Je croyais que tu m’aimais davantage et que tu te serais tué dans la nuit. »

Puis elle versa le chocolat dans ma tasse vide et y trempa ses lèvres mobiles en ajoutant comme pour elle-même :

« Pas assez cuit. C’est bien mauvais. »

Quand elle eut achevé, elle se leva, ouvrit son ombrelle, et me dit :