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et fausse qu’elle fût, je croyais ses moindres paroles.

« Quand nous avons bien dansé, m’expliquait-elle, on nous fait un peu dormir, sans cela, nous aurions des rêves sur la scène. »

Elle était donc montée cette fois encore, et pour respirer un air plus pur, j’avais quitté la salle pendant une demi-heure.

En rentrant, je rencontrai dans le couloir une danseuse un peu simple d’esprit et, cette nuit-là, un peu grise, qu’on surnommait la Gallega.

— Tu reviens trop tôt, me dit-elle.

— Pourquoi ?

— Conchita est toujours là-haut.

— J’attendrai qu’elle s’éveille. Laisse-moi passer.

Elle paraissait ne pas comprendre.

— Qu’elle s’éveille ?

— Eh bien oui, qu’as-tu ?

— Mais elle ne dort pas.

— Elle m’a dit…

— Elle t’a dit qu’elle allait dormir ? Ah ! bien !

Elle voulait se contenir. Mais quoi qu’elle en eût, et malgré ses lèvres pincées avec effort, le rire éclata dans sa bouche.


J’étais devenu blême.

— Où est-elle ? dis-le-moi immédiatement ! criai-je en lui prenant le bras.