Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

boissons aphrodisiaques, et ceintes des phallos canoniques. La plus ancienne des trente-six devait prendre une dose mortelle du terrible philtre érotogène. La certitude de sa mort prompte lui faisait tenter sans effroi toutes les voluptés dangereuses devant lesquelles les vivantes reculent. Son corps, de toute part écumant, devenait le centre et le modèle de la tournoyante orgie ; au milieu des hurlements longs, des cris, des larmes et des danses, les autres femmes nues l’étreignaient, mouillaient à sa sueur leurs cheveux, se frottaient à sa peau brûlante et puisaient de nouvelles ardeurs dans le spasme ininterrompu de cette furieuse agonie. Trois ans ces femmes vivaient ainsi, et à la fin du trente-sixième mois ; telle était l’ivresse de leur fin.

D’autres sanctuaires moins vénérés avaient été élevés par les femmes, en l’honneur des autres noms de la multiforme Aphrodite. Il y avait même un autel consacré à l’Ouranienne et qui recevait les chastes vœux des courtisanes sentimentales ; un autre à l’Apostrophia, qui faisait oublier les amours malheureuses ; un autre à la Chryseïa, qui attirait les amants riches ; un autre à la Génétyllis, qui protégeait les filles enceintes ; un autre à la Coliade qui approuvait des passions grossières, car tout ce qui touchait à l’amour était pitié pour la déesse. Mais les autels particuliers n’avaient d’efficace et de vertu qu’à l’égard