Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— C’est une chose impossible. Pourquoi la demanderais-je ?

Myrtocleia parla pour elle :

« À Ephèse, dans notre pays, quand deux jeunes filles nubiles et vierges comme Rhodis et moi sont amoureuses l’une de l’autre, la loi leur permet de s’épouser. Elles vont toutes deux au temple d’Athêna consacrer leur double ceinture ; puis au sanctuaire d’Iphinoë donner une boucle mêlée de leurs cheveux, et enfin sous le pérystile de Dionysos, où l’on remet à la plus mâle un petit couteau d’or affilé et un linge blanc pour étancher le sang. Le soir, celle des deux qui est la fiancée est amenée à sa nouvelle demeure, assise sur un char fleuri entre son « mari » et la paranymphe, environnée de torches et de joueuses de flûte. Et désormais elles ont tous les droits des époux ; elles peuvent adopter des petites filles et les mêler à leur vie intime. Elles sont respectées. Elles ont une famille. Voilà le rêve de Rhodis. Mais ici ce n’est pas la coutume…

— On changera la loi, dit Chrysis ; mais vous vous épouserez, j’en fais mon affaire.

— Oh ! est-ce vrai ! s’écria la petite, rouge de joie.

— Oui ; et je ne demande pas qui de vous deux sera le mari. Je sais que Myrto a tout ce qu’il faut pour en donner l’illusion. Tu es heureuse, Rhodis, d’avoir une telle amie. Quoi qu’on en dise, elles sont rares. »