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Timon ouvrit avec effort une pierre rose enfoncée dans la terre. La sépulture était creusée sous les mains du dieu funéraire, qui faisaient le geste de l’embaumeur. Elle avait dû contenir un cadavre, jadis, mais on ne trouva plus dans la fosse qu’une poussière brunâtre en monceau.

Le jeune homme y descendit jusqu’à la ceinture et tendit les bras en avant :

« Donne-la-moi, dit-il à Myrto. Je vais la coucher tout au fond et nous refermerons la tombe… »

Mais Rhodis se jeta sur le corps.

« Non ! ne l’enterrez pas si vite ! je veux la revoir ! Une dernière fois ! Une dernière fois ! Chrysis ! ma pauvre Chrysis ! Ah ! l’horreur… Qu’est-elle devenue ?… »

Myrtocleia venait d’écarter la couverture roulée autour de la morte, et le visage était apparu si rapidement altéré que les deux jeunes filles reculèrent. Les joues s’étaient faites carrées, les paupières et les lèvres se gonflaient comme six bourrelets blancs. Déjà il ne restait rien de cette beauté plus qu’humaine. Elles refermèrent le suaire épais ; mais Myrto glissa la main sous l’étoffe pour placer dans les doigts de Chrysis l’obole destinée à Charon.

Alors toutes les deux, secouées par des sanglots interminables, elles remirent aux bras de Timon le corps inerte qui pliait.

Et quand Chrysis fut couchée au fond de la