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Démétrios jette sur la table la motte d’argile humide qu’il a fait porter là. Il la presse, il la pétrit, il l’allonge selon la forme humaine : une sorte de monstre barbare naît de ses doigts ardents : il regarde.

L’immuable cadavre conserve sa position passionnée. Mais un mince filet de sang sort de la narine droite, coule sur la lèvre, et tombe goutte à goutte, sous la bouche entr’ouverte.


Démétrios continue. La maquette s’anime, se précise, prend vie. Un prodigieux bras gauche s’arrondit au-dessus du corps comme s’il étreignait quelqu’un. Les muscles de la cuisse s’accusent violemment. Les orteils se recroquevillent.


… Quand la nuit monta de la terre et obscurcit la chambre basse, Démétrios avait achevé la statue.

Il fit porter par quatre esclaves l’ébauche dans son atelier. Dès le soir même, à la lueur des lampes, il fit dégrossir un bloc de Paros, et un an après cette journée il travaillait encore au marbre.