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rentré précipitamment, par frayeur, leurs étalages multicolores, et des auvents de bois fixés par des barres se succédaient comme une palissade monotone au rez-de-chaussée des maisons aveugles.

La vie du port était arrêtée. Les matelots assis sur les bornes de pierre restaient immobiles, les joues dans les mains. Les vaisseaux prêts à partir avaient fait relever leurs longues rames et carguer leurs voiles aiguës le long des mâts balancés par le vent. Ceux qui voulaient entrer en rade attendaient au large les signaux, et quelques-uns de leurs passagers qui avaient des parents au palais de la reine, croyant à une révolution sanglante, sacrifiaient aux dieux infernaux.


Au coin de l’île du Phare et de la jetée, Rhodis, dans la multitude, reconnut Chrysis auprès d’elle.

« Ah ! Chrysé ! garde-moi, j’ai peur. Myrto est là ; mais la foule est si grande… j’ai peur qu’on ne nous sépare. Prends-nous par la main.

— Tu sais, dit Myrtocleia, tu sais ce qui se passe ? Connaît-on le coupable ? Est-il à la torture ? Depuis Hérostrate on n’a rien vu de tel. Les Olympiens nous abandonnent. Que va-t-il advenir de nous ? »

Chrysis ne répondit pas.

« Nous avions donné des colombes, dit la petite