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Elle prit par le plus long pour rentrer dans sa case ; puis elle se résolut à ne pas rentrer du tout. Le clair de lune était magnifique, la nuit chaude, les jardins pleins de voix, de rires et de chants. Satisfaite de ce qu’elle avait gagné en recevant Démétrios, elle eut l’envie soudaine de vagabonder comme une fille de chemins et de buissons, en plein bois, avec les passants pauvres. Ainsi fut-elle prise deux ou trois fois contre un arbre, une stèle ou un banc ; elle s’en amusa comme d’un jeu nouveau dont le décor suffisait à changer la méthode. Un soldat debout au milieu d’un sentier la souleva dans ses bras robustes et se montra identique au Dieu des Jardins qui s’unit aux jardinières sans avoir besoin de leur faire toucher le sol. Alors elle eut un cri de triomphe.


Échappée de nouveau et reprenant sa course à travers une colonnade de palmiers, elle rencontra un jeune garçon appelé Mikyllos qui semblait perdu dans la forêt. Elle s’offrit à lui servir de guide, mais elle l’égara délibérément pour le conserver tout à elle. Mikyllos n’ignora longtemps ni les desseins de Melitta, ni ses minuscules capacités. Bientôt camarades plutôt qu’amants, ils coururent côte à côte dans un isolement de plus en plus silencieux et tout à coup découvrirent la mer.