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qu’elle s’évanouisse réellement, soit qu’il cesse de sentir sa présence. Puis elle se bouscule de nouveau plus importune, et tous d’aller, aller, aller, d’un pas rapide et sonore, en avant, plus vite que lui…

Puis la masse humaine se resserre ; Démétrios pâlit ; un homme le pousse de l’épaule ; une agrafe de femme déchire sa tunique ; une jeune fille pressée par la multitude est si étroitement refoulée contre lui qu’il sent contre sa poitrine se froisser les boutons des seins, et elle lui repousse la figure avec ses deux mains effrayées…

Tout à coup, il se trouve seul, le premier, sur la jetée. Et comme il se retrouve en arrière, il aperçoit dans le lointain un fourmillement blanc qui est toute la foule, soudain reculée jusqu’à l’Agora.


Et il comprend qu’elle n’avancera plus.

La jetée s’étend, blanche et droite, comme l’amorce d’une route inachevée qui aurait entrepris de traverser la mer…

Il veut aller jusqu’au Phare et il marche. Ses jambes sont devenues subitement légères. Le vent qui souffle des solitudes sablonneuses l’entraîne avec précipitation vers les solitudes ondoyantes où s’aventure la jetée. Mais à mesure qu’il avance, le Phare recule devant lui ; la jetée s’allonge interminablement. Bientôt la haute tour