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Elle suivit jusqu’à l’Agora la rue qui menait à la mer et au bout de laquelle se pressaient comme des épis gigantesques les mâtures de huit cents vaisseaux. Puis elle tourna à droite devant l’immense avenue du Drôme où se trouvait la demeure de Démétrios. Un frisson d’orgueil l’enveloppa quand elle passa devant les fenêtres de son futur amant ; mais elle n’eut pas la maladresse de chercher à le voir la première. Elle parcourut la longue voie jusqu’à la porte de Canope et se jeta sur la terre entre deux aloès.


Il avait fait cela. Il avait fait tout pour elle, plus qu’aucun amant n’avait fait pour aucune femme, sans doute. Elle ne se lassait pas de le redire et de s’affirmer son triomphe. Démétrios, le Bien-Aimé, le rêve impossible et inespéré de tant de cœurs féminins, s’était exposé pour elle à tous les périls, à toutes les hontes, à tous les remords, volontiers. Même il avait renié l’idéal de sa pensée, il avait dépouillé son œuvre du collier miraculeux, et ce jour-là, dont l’aube se levait, verrait l’amant de la Déesse aux pieds de sa nouvelle idole.

« Prends-moi ! prends-moi ! » s’écria-t-elle. Elle l’adorait maintenant. Elle l’appelait, elle le souhaitait. Les trois crimes, dans son esprit, se métamorphosaient en actions héroïques, pour lesquelles jamais, en retour, elle n’aurait assez de