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Puis sa douleur se changea en une colère affolée.

Aphrodisia était revenue à elle, mais paralysée par l’effroi et ne comprenant rien à ce qui se passait, elle restait sans voix et sans larmes.

Bacchis l’empoigna par les cheveux, la traîna sur le sol souillé, dans les fleurs et les flaques de vin, et cria :

« En croix ! en croix ! cherchez les clous ! cherchez le marteau !

— Oh ! dit Séso à sa voisine. Je n’ai jamais vu cela. Suivons-les. »

Tous suivirent en se pressant. Et Chrysis suivit elle aussi, qui seule connaissait le coupable, et seule était cause de tout.

Bacchis alla directement dans la chambre des esclaves, salle carrée, meublée de trois matelas où elles dormaient deux à deux à partir de la fin des nuits. Au fond s’élevait, comme une menace toujours présente, une croix en forme de T, qui jusqu’alors n’avait pas servi.

Au milieu du murmure confus des jeunes femmes et des hommes, quatre esclaves haussèrent la martyre au niveau des branches de la croix.

Encore pas un son n’était sorti de sa bouche, mais quand elle sentit contre son dos nu le froid de la poutre rugueuse, ses longs yeux s’écarquillèrent, il lui prit un gémissement saccadé qui ne cessa plus jusqu’à la fin.