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Cette idée eut un tel succès que tout le monde se rapprocha et, quand la joueuse de flûte fut remise debout, quand on vit son petit visage enflammé par la congestion et ruisselant de gouttes de vin, une gaîté si générale gagna tous les assistants que Bacchis dit à Séléné :

« Un miroir ! un miroir ! qu’elle se voie ainsi !

L’esclave apporta un miroir de bronze.

« Non ! pas celui-là. Le miroir de Rhodopis ! Elle en vaut la peine.


D’un seul bond, Chrysis s’était redressée.

Un flot de sang lui monta aux joues, puis redescendit, et elle resta parfaitement pâle, la poitrine heurtée par des battements de cœur, les yeux fixés sur la porte par où l’esclave était sortie.

Cet instant décidait de toute sa vie. La dernière espérance qui lui fût restée allait s’évanouir ou se réaliser.

Autour d’elle la fête continuait. Une couronne d’iris, lancée on ne savait d’où, vint s’appliquer sur sa bouche et lui laissa aux lèvres l’âcre goût du pollen. Un homme répandit sur ses cheveux une petite fiole de parfum qui coula trop vite en lui mouillant l’épaule. Les éclaboussures d’une coupe pleine où l’on jeta une grenade tachèrent sa tunique de soie et pénétrèrent jusqu’à sa peau. Elle portait magnifiquement toutes les souillures de l’orgie.