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monceaux verts, légumes, racines de lôtos, fèves luisantes, paniers d’olives. Chrysis, dans un tas violet, prit une poignée de mûres et les mangea sans s’arrêter. Enfin ils arrivèrent devant une porte basse et les matelots descendirent avec Celle pour qui on avait volé les Vraies Perles de l’Anadyomène.

Une salle immense était là. Cinq cents hommes du peuple, en attendant le jour, buvaient des tasses de bière jaune, mangeaient des figues, des lentilles, des gâteaux de sésame, du pain d’olyra. Au milieu d’eux grouillait une cohue de femmes glapissantes, tout un champ de cheveux noirs et de fleurs multicolores dans une atmosphère de feu. C’étaient de pauvres filles sans foyer, qui appartenaient à tous. Elles venaient là mendier des restes, pieds nus, seins nus, à peines couvertes d’une loque rouge ou bleue sur le ventre, et la plupart portant dans le bras gauche un enfant enveloppé de chiffons. Là aussi, il y avait des danseuses, six Égyptiennes, sur une estrade, avec un orchestre de trois musiciens dont les deux premiers frappaient des tambourins de peau avec des baguettes, tandis que le troisième agitait un grand sistre d’airain sonore.

« Oh ! des bonbons de myxaire ! » dit Chrysis avec joie.

Et elle en acheta pour deux chalques à une petite fille vendeuse.