Page:Louÿs - Œuvres complètes, éd. Slatkine Reprints, 1929 - 1931, tome 4.djvu/138

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les hommes ? Vous avez toutes des amies et en sortant de leurs bras épuisants vous ne donnez de votre passion que ce qu’elles veulent bien vous laisser. Crois-tu que cela puisse durer longtemps ? Si cela continue ainsi, nous serons forcés d’aller chez Bathylle…

— Ah ! non ! s’écria Chrysis. Voilà ce que je n’admettrai jamais ! Je le sais bien, on fait cette comparaison-là ! Elle n’a pas de sens et je m’étonne que toi, qui fais profession de penser, tu ne comprennes pas qu’elle est absurde.

— Et quelle différence trouves-tu ?

— Il ne s’agit pas de différence. Il n’y a aucun rapport entre l’un et l’autre ; c’est clair.

— Je ne dis pas que tu te trompes. Je veux connaître tes raisons.

— Oh ! cela se dit en deux mots ; écoute bien. La femme est, en vue de l’amour, un instrument accompli. Des pieds à la tête elle est faite uniquement, merveilleusement, pour l’amour. Elle seule sait aimer. Elle seule sait être aimée. Par conséquent, si un couple amoureux se compose de deux femmes, il est parfait ; s’il n’en a qu’une seule il est moitié moins bien ; s’il n’en a aucune, il est purement idiot. J’ai dit.

— Tu es dure pour Platon, ma fille.

— Les grands hommes, pas plus que les dieux, ne sont grands en toute circonstance. Pallas n’entend rien au commerce. Sophocle ne savait