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la démarche molle. Ce qu’étaient les mains, il l’avait oublié ; mais il les imagina larges, pour ajouter un détail odieux à l’image qu’il repoussait. Son état d’esprit devint semblable à celui d’un homme surpris à l’aube par son unique maîtresse dans le lit d’une fille ignoble, et qui ne pourrait pas s’expliquer à lui-même comment il a pu se laisser tenter la veille. Il ne trouvait ni une excuse, ni même une raison sérieuse. Évidemment, pendant une journée il avait subi une sorte de folie passagère, un trouble physique, une maladie. Il se sentait guéri mais encore ivre d’étourdissement.

Pour achever de revenir à lui, il s’adossa contre le mur du temple, et resta longtemps debout devant la statue. La lumière de la lune continuait de descendre par l’ouverture carrée du toit ; Aphrodite resplendissait ; et, comme les yeux étaient dans l’ombre, il cherchait leur regard…


… Toute la nuit se passa ainsi. Puis le jour vint et la statue prit tour à tour la lividité rose de l’aube et le reflet doré du soleil.

Démétrios ne pensait plus. Le peigne d’ivoire et le miroir d’argent qu’il portait dans sa tunique avaient disparu de sa mémoire. Il s’abandonnait doucement à la contemplation sereine.


Au dehors, une tempête de cris d’oiseaux