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celle que tu crois. Je ne suis rien qu’une femme « qui t’aime et que ton désir emplit jusqu’à l’extrémité des seins. »

Démétrios n’ouvrit pas les lèvres.

« Écoute encore, reprit-elle. Je sais qui te possède : je ne veux même pas être une amante et prétendre, si peu que ce soit, à devenir rivale de ma reine. Non, Démétrios, fais de moi ce que tu veux : prends-moi comme une petite esclave que l’on saisit un instant et qu’on laisse avec un souvenir en n’emportant qu’un oubli. Prends-moi comme la dernière de ces courtisanes pauvres qui attendent le long du sentier l’aumône d’un amour furtif et brutal. Au fait, que suis-je de plus qu’elles ? et que m’ont donné les Immortels qu’ils n’aient accordé aussi à la plus servile de toutes mes esclaves ? Toi, au moins, tu as la Beauté, qui dispense autour d’elle l’émanation des dieux. »


Plus gravement encore, Démétrios la pénétra du regard.

« Et que penses-tu, malheureuse, qui puisse émaner des dieux, sinon…

— L’Amour…

— Ou la Mort. » Elle se dressa.

« Que veux-tu dire ?… La Mort… Oui, la Mort… Mais c’est si loin pour moi… Dans soixante ans