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— J’y suis encore dans la sixième classe. J’aurai fini l’année prochaine ; ce ne sera pas trop tôt.

— Est-ce que tu t’y ennuies ?

— Ah ! si tu savais comme les maîtresses sont difficiles ! Elles font recommencer vingt-cinq fois la même leçon ! des choses tout à fait inutiles, que les hommes ne demandent jamais. Et puis on se fatigue pour rien ; moi, je n’aime pas ça. Tiens, prends une figue ; pas celle-là, elle n’est pas mûre. Je t’apprendrai une nouvelle manière de les manger : regarde.

— Je la connais. C’est plus long et ce n’est pas meilleur. Je vois que tu es une bonne élève.

— Oh ! ce que je sais, je l’ai appris toute seule. Les maîtresses voudraient faire croire qu’elles sont plus fortes que nous. Elles ont plus de main, c’est possible, mais elles n’ont rien inventé.

— Tu as beaucoup d’amants ?

— Tous trop vieux ; c’est inévitable. Les jeunes gens sont si bêtes ! Ils n’aiment que les femmes de quarante ans. J’en vois passer quelquefois qui sont jolis comme des Érôs, et si tu voyais ce qu’ils choisissent ? des hippopotames. C’est à faire pâlir. J’espère bien que je ne vivrai pas jusqu’à l’âge de ces femmes-là. Je serais trop honteuse de me déshabiller. C’est que je suis contente, vois-tu, si contente d’être encore toute jeune. Les seins poussent toujours trop tôt. Il me semble que le