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le pauvre petit être, et pour la seconde fois elle lui couvrit le visage avec ses cheveux épais et doux. Le temps s’écoulait, lentement. Argos et Tyrinthe avaient disparu. À droite et à gauche les rives du golfe, éloignées jusqu’à l’horizon, se confondaient vaguement avec les brumes flottantes. De loin en loin, un dauphin rapide sautait tout entier hors de l’eau, et replongeait, le mufle en avant. Parfois, c’étaient des algues vertes qui se pliaient contre la proue, et dont les deux bouts ondulaient au fil du double sillage. Danaë les détachait avec la main et se demandait si le rameau mouillé qu’elle tenait entre les doigts n’avait pas servi de couronne au front de quelque dieu marin. Le soir vint. Il n’y avait pas de voiles sur la mer. Le soleil était éclipsé par un nuage resplendissant d’où s’élevait un large rayon de lumière qui semblait sortir des eaux. Une grande ombre cachait la Méditerranée. Les vagues s’amollissaient comme prises de somnolence. Le petit bateau n’avançait plus qu’à peine : Danaë douta même s’il ne s’était pas arrêté… Puis le vent tomba, tout à fait.

Danaë, qui avait déposé l’enfant, le reprit dans ses bras et voulut encore l’allaiter. Mais elle ne pensait pas que depuis le matin, elle n’avait pris aucune nourriture. Son lait s’était presque tari : l’enfant commença à pleurer.

Elle le regarda, puis ses seins, et la mer. Rien