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« Le soir, c’était une grande mer de pourpre où les nuages étendus se baignaient comme de belles femmes, avec des chevelures et des écharpes jaunes. La nuit, c’étaient les étoiles.

« C’est de là-haut, c’est du ciel lointain qu’est descendue en moi la pluie mystérieuse… »


Elle ferma les yeux et sourit mollement, envahie par un souvenir paresseux. Quand elle les rouvrit, l’enfant dormait. Alors elle ne parla plus ; elle ne dit pas comment sa grossesse inexplicable avait soudain réveillé les craintes séniles d’Akrisios, à qui un devin avait prédit qu’il mourrait de la main d’un petit-fils ; elle ne dit pas comment, pendant quarante semaines, elle avait senti croître en elle le fruit de cet amour merveilleux ; ni comment, l’enfant mis au monde, le roi les exposait, elle et lui, à la mort, par la faim, par le froid, ou par les grands mouvements de la mer.

D’ailleurs, y pensait-elle encore ? L’influence surnaturelle qui avait fait naître Persée ne la sauverait-elle pas du premier péril, et ne devait-on pas s’en remettre toujours à la toute-puissance des dieux ?

Le petit, s’éveillant, remua les bras et se mit à crier. Elle se rappela que depuis le matin elle ne l’avait pas nourri. Elle se pencha sur lui et lui donna le sein. La chaleur était accablante : Danaë craignit que cette grande lumière n’incommodât