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être inutile de compter sur les bons offices de ceux qu’une passion intime absorbe déjà tout entiers.

Elle s’en retourna ; mais elle était perdue. Elle prit un nouveau sentier qui descendait rapidement vers une vallée invisible. Ses pauvres petits pieds las se heurtaient aux pierres, s’accrochaient aux racines, glissaient sur le tapis brun des fuyantes aiguilles de pins. À un tournant de chemin irrégulier qui suivait le cours d’un ruisseau, elle s’arrêta devant un couple divin.

C’étaient deux nymphes, d’essences différentes, l’une d’elles présidant aux forêts et l’autre aux eaux printanières. L’oréade avait apporté à la naïade les fraîches offrandes reçues des hommes, et toutes deux se baignaient dans le courant, ondoyantes et embrassées.

« Naïade, dit Byblis, as-tu vu le fils de Cyanée ?

— Oui. Son ombre a passé sur moi. C’était hier, au coucher du soleil.

— D’où venait-il ?

— Je ne sais plus.

— Où allait-il ?

— Je ne l’ai pas suivi. »

Byblis poussa un long soupir.

« Et toi, dit-elle à l’autre nymphe, as-tu vu le fils de Cyanée ?

« Oui. Loin d’ici dans la montagne.

— D’où venait-il ?

— Je ne l’ai pas su.