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d’un pas assez mesuré pour que l’enfant pût la suivre.

Toutes deux, elles traversèrent ainsi un grand espace de forêt et même deux ruisseaux, que la biche sauta d’un bond, mais que Byblis ne put franchir qu’en entrant dans l’eau jusqu’aux genoux. Byblis était pleine de confiance. Elle était sûre, maintenant, d’être dans le bon chemin ; sans doute, cette biche lui avait été envoyée par la déesse elle-même, en gratitude de sa dévotion, et l’animal divin la conduisait à travers bois vers le frère bien-aimé qu’elle ne quitterait plus. Chaque pas l’approchait du terme où elle reverrait Caunos. Elle sentait déjà contre sa poitrine l’étreinte affectueuse du fugitif. Un peu de son haleine semblait avoir passé dans l’air et enchanter la brise attiédie.

Soudain, la biche s’arrêta. Elle coula sa longue tête entre deux jeunes arbres où apparut en même temps le profil cornu d’un cerf, et comme si elle avait atteint le but qu’elle se proposait, elle se coucha, les pattes sous le ventre, et posa le menton sur l’herbe.

« Caunos ! »

Byblis appelait.

« Caunos, où es-tu ? »

Pour toute réponse, le cerf fit deux pas vers elle et la menaça de ses terribles cornes qui se tordaient comme dix serpents bruns. Et Byblis comprit alors que cette biche avait été, comme elle, à la rencontre de son amant, et qu’il est peut-