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Le maître fit trois pas dans l’obscurité, et dit à voix haute :

« Sois le bienvenu. Entre chez moi. »

Quand ils furent entrés dans la salle et qu’on eût allumé les lampes de terre cuite :

« Voici l’eau, le pain et les fruits », dit l’Aethiopien.

Ils burent et mangèrent. Et l’hôte ne parlait pas, sachant qu’il est indiscret de poser des questions à qui n’y a pas répondu d’avance.

Celle dont le corps brun était drapé de bleu apportait des mets et versait l’eau des cruches. La cadette s’était reculée jusqu’à la paroi terreuse, et, les mains serrées sur la bouche, considérait l’Étranger.

Quand le repas fut accompli, l’hôte se leva : « Il est temps de gagner ton lit. Je sais les devoirs de l’hospitalité. Voici mes deux filles. La plus jeune n’a pas connu d’homme encore mais elle est d’âge à t’approcher. Va, et prends ton plaisir avec elle. »

Biôn n’ignorait pas cet usage, et il le vénérait comme une tradition de vertu singulière. Les dieux visitent souvent la terre, habillés en voyageurs, en soldats ou en bergers, et qui reconnaîtrait un mortel d’un olympien qui ne veut pas se nommer ? Biôn était peut-être Hermès ? Il savait qu’un refus de sa part eût été pris pour un outrage ; aussi n’eut-il ni surprise ni gêne quand l’Aînée se pencha vers lui et découvrit ses jeunes seins pour les lui donner à baiser.