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Poseîdôn l’entendit mais ne l’exauça pas. Une eau miraculeuse ravit Ariane plaintive, et la jeta doucement sur la mousse épaisse.

Et le vaisseau avait pour toujours disparu derrière le mur de la mer.

Au même instant, un grand bruit, la foule, les cris affolés, le craquement du sol des forêts.

« Io ! Evoé ! Qui est dans le chemin, qui est dans le chemin ? »

Les Bakkhantes dévalaient de la montagne, et les Satyres et les Pans, et le cortège bousculé sous les thyrses.

« Qui est dans le chemin ! Qui est dans la demeure ! Iakkhos ! Iakkhos ! Evoé ! »

Elles portaient des peaux de renard attachées sur l’épaule gauche.

Leurs mains agitaient des branches d’arbre et secouaient des guirlandes de lierre. Leurs chevelures étaient si pesantes de fleurs que leurs nuques se pliaient en arrière ; les plis de leurs seins étaient des ruisseaux de sueur, les reflets de leurs cuisses étaient des soleils couchants, et leurs hurlements se mouchetaient de bave envolée.

« Iakkhos ! Dieu beau ! Dieu fort ! Dieu vivant ! Iakkhos ! mène l’orgie ! Iakkhos ! fouette et guide ! Exaspère la multitude ! Refoule la cohue et les pieds rapides ! Nous sommes à toi ! Nous sommes ton souffle ! Nous sommes tes désirs turbulents ! »