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HEURE MOROSE


À Bernard Lazare.


La mer matinale brillait au haut du flux ;
Les grands avirons bleus s’allongeaient sur les scalmes,
Et l’infini silence éveillait les yeux calmes
Des femmes, que nul vol rameur ne berçait plus.

C’était le deuil de l’heure où les couples élus,
De leurs bras étoilés par les roux lycophthalmes,
Vers l’Île, sur la mer, guidaient avec des palmes
L’escorte des dauphins et des tritons joufflus.

C’était la fin des chants alternés, et des rires
Au tour des bouches, et des doigts charmeurs de lyres.
Les tempes s’appuyaient aux mains, lourdes d’ennui ;

Et dans l’air pâle où du soleil s’élève et tremble
Les amants éperdus d’être partis ensemble
pleuraient entre leurs bras les rêves de la nuit.